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22 juillet 2015 3 22 /07 /juillet /2015 15:33
 
L’œuvre du compositeur estonien Arvo Pärt est parfois ressentie comme presque exclusivement tournée vers le passé. Pourtant, ce compositeur utilise abondamment certains concepts formels qui trouvent des résonances dans notre époque et font de lui un compositeur bien actuel.
 
Pour illustrer ceci, voici un bref exemple tiré de Wallfahrtslied (Pilgrim’s Song / Le Chant des Pèlerins). L’extrait cité ici, joué par les cordes, sert d’interlude entre des parties chantées  au caractère plutôt statique.
 
Ce passage est un des rares exemples dans lequel Arvo Pärt utilise la gamme chromatique. En effet, le style de composition tintinnabuli  (description en anglais, ou plus succincte en français) dont il a défini les règles et qui caractérise sa musique, se borne le plus souvent à combiner les notes d’un accord parfait avec les notes de la gamme diatonique.
 
Tandis que dans l’exemple ci-dessous ce même principe combine la gamme chromatique avec un accord parfait mineur.
Wallfahrtslied  / Le Chant des Pèlerins (Arvo Pärt)
Si on analyse ce passage, on remarque d’abord la voix supérieure qui descend la gamme chromatique par degrés conjoints. On note ensuite, l’entrée, sur le 13è temps, d’une voix grave qui descend elle aussi les degrés de la gamme chromatique, une 10è mineure sous la voix du haut.
 
Mais c’est la construction de la voix intermédiaire qui fait l’intérêt de ce passage. Cette voix utilise la technique du "hoquet" dans laquelle une même voix joue alternativement deux parties différentes. Dans chaque groupe de 3 croches, ces deux parties se répartissent ainsi :
 
• 1 note (en rouge) qui descend d’un degré de la gamme chromatique à chaque temps. Cette note est placée tantôt sur la 1re croche du temps, tantôt sur la 3è croche du temps, tantôt sur la 2è croche du temps Ce schéma rythmique se reproduit donc tous les 3 temps.
 
• 2 notes (en bleu) appartenant à l’accord de Mi mineur. Leur détermination suit, elle aussi, des règles précises : parmi les 3 notes de l’accord de Mi mineur sont choisies les 2 notes qui encadrent la note notée ici en rouge. Ces 2 notes sont jouées d'abord deux fois dans un mouvement descendant puis une fois dans un mouvement ascendant.
 
Cela donne à ce passage un caractère polyrythmique et, sur le plan harmonique, non pas une polytonalité mais la superposition de 2 éléments : triade de Mi mineur + gamme chromatique, ce qui engendre tantôt des consonances parfaites (lorsque la note en rouge appartient à l’arpège de Mi mineur) tantôt des dissonances plus ou moins importantes et parfois surprenantes (9è temps, par exemple), mais parfaitement logiques par rapport au contexte.
 
Vous pouvez écouter cette musique à l’adresse suivante 
https://www.youtube.com/watch?v=FJ1WPNJz6ps  (l’extrait cité ici commence à  3'30)
 
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commentaires

L
Très intéressant d'avoir votre point de vu sur cette oeuvre ! Merci pour le partage
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