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5 juillet 2016 2 05 /07 /juillet /2016 15:50

Récemment, à l’occasion d’un projet d'hommage par la ville d’Arcueil, Erik Satie a été traité, entre autres, "d’ivrogne et de communiste" par un élu FN .

 

(N.B. Pour ceux qui auraient raté cet épisode, vous pouvez visionner la chronique de François Morel sur France Inter qui a trouvé le ton juste pour l'évoquer. http://www.erik-satie.com/francois-morel-con-darcueil-traita-erik-satie-divrogne-communiste/ )

 

A ce réquisitoire accablant, il faudrait aussi ajouter que la musique de Satie cultive à plaisir l’ambiguïté. En voici un exemple :

Ses compositions ont souvent un caractère modal. C’est le cas, par exemple, de deux de ses œuvres les plus connues, La Gnossienne #1 et la Gymnopédie #1.

Observons les modes utilisés par le compositeur :

 

Le début de la Gnossienne #1

Erik Satie et le IVè degré

Est construit sur le mode suivant :

Erik Satie et le IVè degré

Bien que développée sur un accord de Fa mineur, et écrite en Fa mineur (4 bémols à la clé), cette gamme contient les mêmes notes que la gamme de Do mineur.

Erik Satie et le IVè degré

Le mode choisi est donc le IVè degré de la gamme mineure.

 

Prenons maintenant les premières mesures de la Gymnopédie #1

Erik Satie et le IVè degré

Ici, l’armure indique une tonalité de Ré majeur (2 dièses à la clé), Mais, là encore, cette composition n’est pas tonale. L’harmonie alterne des accords de Sol majeur et de Ré majeur, sans que l’on puisse décider d’une tonique définie.

On peut considérer que le mode utilisé est celui de Ré majeur ou celui de Sol Lydien (IVè degré de la gamme de Ré majeur)

Erik Satie et le IVè degré

Dans les 2 cas le compositeur joue sur les ambiguïtés entre IVè et Ier degré.
 

Cette démarche fonctionne d’autant mieux que :

—le mode majeur produit des accords majeurs sur le Ier comme sur le IVè degré

—le mode mineur produit des accords mineurs sur le Ier comme sur le IVè degré

 

Cette équivoque entre tonique et IVè degré produit un effet de flottement, de suspension, de clair obscur, propice au rêve, et au sein duquel se développe l’imagination du compositeur.

 

J’espère, avec ce blog, avoir moi aussi démontré que Satie ne méritait pas l’hommage qu’on voulait lui rendre, lui qui a déclaré avec humour:

Il ne suffit pas de refuser la Légion d’Honneur, encore faut-il ne pas l’avoir méritée.

 

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commentaires

D
En réponse à un commentaire reçu
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D
On peut donner en effet plusieurs analyses de ce morceau.<br /> Le terme modal est un terme qui peut prendre des sens différents suivant les contextes. Ce n’est en tout cas pas un morceau tonal. Il n’a pas de cadence ni de centre tonal identifiable. <br /> <br /> Plus simplement, on peut dire que l'art de Satie est de jouer sur l’ambiguïté, l’indécision entre les deux accords (Ré et Sol). La note Sol est jouée sur la basse de Ré, et le Do#, comme vous le soulignez, est utilisée sur l’accord de Sol. <br /> <br /> Il n’y a pas de tonique définie. On est dans le flottement, l’apesanteur (ce qui se retrouve également dans le rythme avec, dans l’accompagnement, un 3è temps qui n’est pas exprimé, comme pour laisser se développer la rêverie).<br /> S’il y a pu avoir une part de réflexion théorique au départ de cette composition (Satie aimait prendre le contrepied de certains usages), elle est particulièrement pertinente. La musique parle d’elle même à l’auditeur. Celui-ci y retrouve certains éléments familiers, mais qui sont agencés ici d’une façon inhabituelle, d'où la poésie qui s'en dégage.
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